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La levée des chevaux à Archigny en 1811
du 14/11/2020
par Michel MARASSE
 Histoire et Patrimoine d' Archigny - 161 articles  

Histoire

En 1811, Napoléon 1er débute l’organisation de la guerre nationale de 1812, autrement dit la campagne de Russie.

Il est pourtant à l’apogée de son règne, contrôlant toutes les nations d’Europe, hormis la péninsule ibérique et aucun pouvoir européen n’ose s’élever contre lui.
En 1807 le traité de Tilsit installe la paix entre l’empire français et la Russie sur laquelle règne Alexandre 1er.

La Russie espérait, via le général Caulaincourt, un traité interdisant le rétablissement de la Pologne. Caulaincourt est désavoué par Napoléon et la confiance est rompue entre l’empereur et le tsar.

La Russie fait l’objet d’un blocus continental et la levée de ce blocus met Napoléon 1er hors de lui et l’incite à la guerre.

Dès janvier 1811 il prépare la Grande Armée pour la Campagne de Russie également appelée guerre nationale en France et guerre patriotique en Russie. Napoléon déclare la guerre à la Russie le 22 juin 1812.

L’empereur gérait et surveillait tout de cette préparation, en France et à l’étranger, et la multitude de lettres adressées à tous ses généraux d’Empire en sont la preuve. Le maréchal Davout, prince d’Eckmühl est chargé de la levée des chevaux en octobre-novembre 1811, le nombre d’équidés levés au cours de l’année, aussi bien dans l’Empire que dans les pays d’Europe participant à la guerre, n’est pas suffisant.

Lettre de Napoléon 1er au comte de Montalivet, ministre de l’Intérieur à Paris.

Paris 19 décembre 1811
Monsieur le Comte Montalivet, je désirerais des renseignements sur ce que peut fournir la France en chevaux de remonte, surtout pour la cavalerie légère. J’en ai besoin et il paraît que les fournisseurs ont beaucoup de peine à s’en procurer. En 1811 j’ai demandé 25 000 chevaux, je n’ai pu en avoir que 18 000. Faites-moi connaître l’état des chevaux existants et quel est sur cet objet l’opinion des inspecteurs des haras, ainsi que des personnes qui suivent cette partie de l’administration.


La suspicion émise dans ce courrier fait boule de neige et se répercute sur les préfets chargés de la levée des chevaux dans leur arrondissement. On la ressent dans la lettre du délégué Thévenard, datée du 3 juillet 1811.

Les chevaux de monte sont nécessaires à la cavalerie, à la garde, mais il faut également des chevaux pour les ambulances, les fourgons de forges, les fourgons de vivres et de vêtements, le transport des armes et de la poudre... On compte, pour cette campagne de Russie, 1 cheval pour 6 hommes.

Archigny, comme tous les villages et villes de l’Empire, a été mis à contribution, remettant ses chevaux, mulets et ânes en âge d’accompagner la Grande Armée jusqu’à Moscou où ils ne parviendront certainement pas tous. Du moins n’en reviendront-ils pas.

Et… ce fut la défaite, due pour beaucoup aux maladies et au froid et à la famine.
Des 771 500 hommes constituant l’armée impériale (Français et Européens), n’en reviendront qu’environ 30 000 dont seulement 10 000 en état de combattre.
Des 80 000 chevaux de selle et 50 000 chevaux de trait, seulement 3 000 survécurent à la campagne de Russie.

Les documents ci-joints, de la collection de Guy Savigny, décrivent avec quelle fébrilité la levée des chevaux s’est effectuée, sous les ordres de l’empereur lui-même. Cet échange de correspondance montre également que cette levée a été mise en place dès juillet 1811 dans notre village.

 

 


 

 




 

  Le sous-préfet, certainement pressé par l’empereur qui gère absolument toute la mise en place de cette campagne de Russie, va jusqu’à suspecter le maire d’Archigny de tricherie par ce courrier du 3 juillet 1811 :



 

  Monsieur le préfet qui croie qu’on a soustrait des animaux de taille me prescrit par sa lettre d’hier de compléter le contingent de cet arrondissement tant sur les chevaux les jumens que mulets et mules : que cette opération soit terminée ici vendredy prochain cinq pour ceux admis être réunis à Poitiers le lendemain matin à la caserne de Montierneuf.
  Par conséquent vous n’avez pas un instant à perdre pour faire dans votre commune le choix de quatre plus hauts de taille tant en chevaux et jumens qu’en mulets et mules : vous en ferez un état qui présentera leur signalement pour le tout être rendu et indemnisé ledit jour vendredy cinq sur la place avant midi.
L’âge et la vigueur sont toujours les mêmes.
J’ai l’honneur de vous saluer.


Le délégué, THEVENARD


Réponse du maire, M. Collet, en date du 5 juillet 1811, qui, a priori, a fait le nécessaire en temps voulu :


 

Le maire de la commune d’Archigny A monsieur le sous-préfet de Châtellerault

Monsieur,

En conformité à votre lettre du 3 de ce mois datée du soir, j’ai fait assembler aujourd’hui sur la place de cette commune tous les chevaux, jumens mules et mulets dont la taille m’offrait le plus d’avantage. Je les ai mesurés à la toise et à l’exception d’un cheval appartenant au sieur Antoine Pénaguin de Vangueil, dont la taille est de… sous poil noir et qui vous sera présenté demain, tous n’ont que quatre pieds 3 pouces, à cinq pouces pour le plus [et il n’en reste pas dessus]. J’ai cru en conséquence qu’il était ainsi venant de les faire présenter devant vous et je les ai renvoyés chez les propriétaires.

J’ai l’honneur de vous saluer respectueusement.
Collet [Jean- Auguste Collet a été maire d'Archigny de 1808 à 1834]

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