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Catherine Martin habitante de la Gaubertière à Archigny
du 17/01/2017
par Michel MARASSE
 Histoire et Patrimoine d' Archigny - 170 articles  

Fait divers criminel à Pleumartin en 1794

Elle se nommait Catherine Martin et habitait la Gobertière, une ferme située au nord d’Archigny, à la limite du canton de Pleumartin. Âgée de 40 ans elle était fille, c’est-à-dire non mariée.

Cet hiver 1794 fut glacial. Il gela de la mi-décembre à la fin janvier, le thermomètre descendant jusqu’à -23,5° le 23 janvier 1795. Et ce fut dans ce froid intense, dans la petite habitation de la Gobertière, le 14 frimaire de l’an III, soit le 4 décembre 1794, qu’elle accoucha d’un garçon de père inconnu.

Pierre Daillé, l’officier public d’Archigny, le prénomma Jean. Firent la déclaration de naissance Jean Matté, laboureur domicilié aux Bouchaux, à quelques centaines de mètres à travers champs de la Gobertière et Marie Berbudeau demeurant sur la grande ligne acadienne.

Acte de naissance de Jean Martin, né de père inconnu le 4 décembre 1794 à Archigny
AD 86 Archigny 1793-1795 an III vue 64

Le froid s’étendit sur toute la France, installant par exemple sur Paris 42 jours de gel consécutifs qui glacèrent la Seine du 25 décembre au 28 janvier. L’hiver dura longtemps, enserrant notre contrée dans une seconde période glaçante, de mi-février à la fin mars 1795.

Le petit Jean grandissait en même temps que le printemps avançait. Puis l’été s’installa, caniculaire cette année-là.
Pleumartin étant proche de la Gobertière on peut supposer que la mère et l’enfant s’y rendaient plus souvent qu’au village d’Archigny beaucoup plus éloigné, la traversée de la forêt n’étant malgré tout pas sure, les loups y rôdant jusqu’aux portes des habitations.

Jean avait maintenant 10 mois. Était-il au cou de sa mère pour aller à Pleumartin ? Comment se retrouvèrent-ils dans les tailles de Lescouterie en pleine forêt de Pleumartin.Les y avait-on transportés depuis un autre lieu ?

C’est le 16 fructidor de l’an III, soit le 2 septembre 1795, que François Autexier, élu de la République pour le canton de Pleumartin, nous expose l’atroce destinée de Marie et Jean Martin.

Ecoutons-le :

Aujourd’hui seize fructidor l’an 3 de la République française une et indivisible de deux [heures] du soir, par devant moi, François Autexier, élu pour rédiger les actes de naissance, mariage et décès des citoyens, est comparu dans la maison commune de Pleumartin le citoyen François Trépeau Le Jeune, juge de paix et officier de police du canton de Pleumartin, lequel m’a présenté un procès-verbal de la date de ce jour dont la teneur suit.
« Aujourd’hui seize fructidor an troisième de la République française une et indivisible par les deux heures et demie du matin,

 

  nous François Trépeau Le Jeune, juge de paix du canton de Pleumartin, officier de police assisté des citoyens Gabriel Fort et Louis Boutier, assesseurs, et Antoine Chatillon, gendarme, ayant avec nous Benoît Jourde, notre greffier ordinaire sur l’avis qui nous a été donné que Catherine Martin, fille âgée d’environ 40 ans et son fils âgé d’environ 7 à 8 mois, demeurant à la Gobertière, commune d’Archigny, avaient été assassinés et que l’officier de police du canton de Montoiron avait commencé une information à effet de connaître l’auteur du crime que les recherches qui ont été faites ont conduit à découvrir le lieu où il avait été déposé un corps mort .

  Pour constater le fait et en faire visite avons requis le citoyen Antoine Lachauvelière, officier de faute de mécréant, commune de Pleumartin, duquel nous avons pris le serment requis. En conséquence nous nous sommes transportés dans le taillis appelé Lescouterie, situé commune de Pleumartin et à l’endroit d’indication qui nous a été donné par Pierre Dupuy demeurant cette commune, avons trouvé une petite chemise d’enfant. Ensuite, entrés plus avant dans le bois, près d’un puits presque comble, avons trouvé deux sabots qui nous ont paru de femme et auxquels il y a dessous plusieurs plaques de fer et clous.

  Avancés quatre à cinq pieds plus avant dans le bois, avons trouvé l’emplacement où avait été posé un corps mort, en conséquence nous avons requis ledit Lachauvelière de faire la visite de ce qui reste du corps, à quoi prouvant la remarque que le corps avait été mangé par des bêtes féroces, que la tête qui reste ainsi que les cheveux, que les os qui sont épars et auxquels il n’y a point de chair, sont ceux d’une femme.

  La tête était enveloppée d’un jupon qui était noué et auquel il y a du sang, ce qui annonce que l’on craignait un abondement de sang qui laisse des traces en transportant le corps, qu’il y a un jupon de serge gris bleu, une couverte de femme de même couleur, un autre jupon de toile et une chemise quisont noués et qui paraissent ne l’avoir été que pour empêcher le débordement de sang qui aurait pu se faire par le bas se fusse répandu.


 

  Il y a également une coiffure de mousseline et deux poches de toile dans lesquelles s’est trouvé un assignat de 25 sols accolé à une lettre de dévotion et un papier qui est un extrait de naissance de l’enfant que Catherine Martin a eu et qui a été délivré par Daillé, officier public de la commune d’Archigny, ce qui nous fait présumer que c’est le corps de ladite Martin assassinée, et près de ces mêmes poches s’est trouvée une clé. À côté se trouvent les os du crâne d’un enfant ainsi que les os du corps qui sont sans chair. Il y a également un mauvais sac qui enveloppait vraisemblablement l’enfant.

   Les ossements qui ont été trouvés des deux cadavres ont été mis en terre sur le lieu ainsi que le jupon auquel était accolé les cheveux et qu’il était impossible de conserver. Quant aux hardes, papier et clé dont il est parlé ci-dessus, le tout sera apporté au greffe pour y rester et y avoir recours en cas de besoin.

Attendu que le délit paraît avoir été commis sur le canton de Montoiron, que l’officier de police a commencé la procédure et que nous n’avons aucun renseignement, nous arrêtons que copie du présent lui sera envoyée officiellement pour en être fait suite ainsi que de droit.

Fait état et arrêté le présent sur ledit lieu, les jour, mois, heure et an que dessus, ont toutes les parties avec nous et notre greffier, excepté ledit Boutin de ce interpelle a déclaré ne le savoir.

La minute de la présente est signée Trépeau Le Jeune, Gabriel Fort assesseur, Lachauvelière chirurgien, et Jourde secrétaire.

Fait en la maison commune de Pleumartin les jour, mois et an ci-dessus en présence du citoyen Trépeau qui a signé avec nous. »



Constat établi lors de la découverte des corps de Catherine et Jean Martin
AD86 Pleumartin 1793-1796 an IV vues 87-88-89

NOTA :

La Gobertière actuellement la Gaubertière.

Lescouterie actuellement certainement la Couturerie (dans la forêt de Pleumartin).

Montoiron actuellement Monthoiron.

SOURCES

Météorologie : Cercle Généalogique Poitevin
Documents : AD86

REMERCIEMENTS à André Maumet pour nous avoir orientés vers ce fait divers.


Françoise Glain – 11/02/2015

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