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Le plan d'eau d'Archigny
du 30/01/2021
 Histoire et Patrimoine d' Archigny - 162 articles  

Faits divers

 

Je me souviens du plan d’eau d’Archigny. La première fois que j’y suis allée, j’avais huit ou neuf ans. Mon père nous y avait emmenés mes cousins, mes cousines, mon frère et moi.

Oui, nous étions six enfants (ou sept), joyeusement entassés dans la voiture, personne à la place du mort, c’était bien trop dangereux, mais six (ou sept) à l’arrière - était-ce vraiment moins dangereux ?

Le plan d’eau ne portait pas encore ce nom, ni pour nous, ni pour personne sans doute. C’était juste un étang au milieu des arbres et d’un pré. Presque l’Amazonie pour nous.

Les algues y ondulaient joliment, quelques nénuphars tentaient une expansion territoriale, la vase se souleva et troubla encore davantage l’eau déjà pas très claire quand nous y sommes entrés.

Prudemment au début, ce n’était pas très engageant et il y avait sûrement des poissons tapis dans l’ombre à nous guetter, peut-être des piranhas.

La chaleur du mois de juillet nous incita à poursuivre plus avant la baignade. Nous étions explorateurs, botanistes, découvreurs de grenouilles, heureux comme des rois de nous rouler dans la glaise du rivage.

Aucun de nous ne savait vraiment très bien nager et nous ne nous aventurâmes cette année-là jamais très loin du bord.

Car nous y retournâmes malgré les remarques de nos mères qui trouvaient que nous revenions plus sales de la baignade qu’à notre départ de la maison, de surcroît porteurs d’une drôle d’odeur, la vase peut-être…

L’année suivante, de retour comme tous les ans pour les vacances d’été, sur notre demande collective et pressante, mon père nous ramena à l’étang d’Archigny qui cette fois-ci s’appelait « plan d’eau ».

Une plage avait été sobrement aménagée, l’eau était claire, les piranhas avaient été transférés dans l’étang de pêche et surtout mon père entreprit de nous apprendre à nager sérieusement.

La méthode était simple et efficace : une ceinture munie de flotteurs autour de la taille, cette ceinture elle-même reliée à une corde assez longue que tenait le maître-nageur improvisé, chacun de nous tentait avec détermination de survivre à l’expérience natatoire.

Quand nous semblions faire quelques progrès, mon père enlevait un flotteur, puis un autre et encore un autre jusqu’à ce nous n’ayons plus que la ceinture autour de la taille et que nous fendions les flots avec assurance voire témérité.

Heureusement, miraculeusement peut-être, en quelques séances nous avions pris confiance et nous nagions tous les six (ou sept).

Alors, l’océan archignois s’offrit à nous, nous qui n’allions pas à la mer, pas plus qu’à la montagne, nous qui ne connaissions que les piscines à boudins du jardin de nos grands-parents et pas encore les séances de natation du collège.

Cet été-là fut splendide, baignade tous les jours, nos mères ravies de nous voir éloignés tous les après-midis, mon père faisant accroire aux mères présentes autour du bassin que, oui, ces enfants étaient tous les siens.

 

Les années suivantes, nous colonisâmes le « plongeoir », c’est-à-dire le petit ponton du fond du plan d’eau, nous étions prêts pour les jeux olympiques.

La baignade, ainsi que nous l’appelions désormais entre initiés, avait été partagée en deux : une corde agrémentée de flotteurs séparait le grand bain du petit bain où vaquaient les non-nageurs que nous toisions désormais.

Nous organisions des épreuves : c’était à qui rejoindrait au plus vite la berge du petit bain en partant du plongeoir. L’arrivée était toujours ridicule puisque nous nous raclions assez vite les genoux dans le fond du petit bain.

Mon frère raffina la compétition en proposant que nous traversions la baignade dans sa largeur. Ça, ça valait le coup parce qu’une fois arrivés sur la berge opposée, il fallait sortir de l’eau.

Comme il n’y avait pas d’escalier permettant la sortie et pas encore de plaques stabilisantes sur la berge, nous glissions et retombions un certain nombre de fois dans l’eau avant de regagner la terre ferme.

Mon frère était le plus agile et gagnait à tous les coups.

 

Un été, nous avions aussi récupéré, comble du chic, une énorme chambre à air, qui nous servait de bouée collective, de bateau de pirate, d’île déserte, de refuge, de fosse à plongeons.

 

Autour du plan d’eau, un terrain de volley fit son apparition, ainsi que des balançoires ; la plage fut ensablée, il y eut même un point d’eau douce pour remplir nos gourdes.

C’était la belle vie, la dolce vita. Les familles étaient nombreuses autour du bassin, les enfants couraient, les grands riaient en bronzant, les garçons regardaient les filles et les filles les garçons, les transistors diffusaient en sourdine Mike Brant et Michel Delpech.

On mangeait des Choco BN qui tombaient dans l’herbe mouillée, nos maillots de bain collaient au skaï brûlant des sièges de la voiture quand il fallait rentrer.

La baignade d’Archigny valait toutes les plages du monde.

Et puis nous avons grandi. La baignade est soudain devenue trop petite pour nous.

Pourtant elle embellissait d’année en année, des tables pour pique-niquer, des bancs, une cabane à frites, un vrai parking, un maître-nageur, plus tard encore un arboretum.

Nous ne faisions plus qu’y passer, désinvoltes sur nos vélos d’adolescents.

 

Puis nous y revînmes. D’abord pour camper sans autorisation et en toute discrétion avec nos amoureux ou amoureuses, le temps d’une ou deux nuits, puis plus tard, pour les feux

d’artifice de la fête nationale, jamais tirés le 14 juillet mais toujours après. Il y avait la fanfare, les lampions, tout le village et même les villages voisins, les familles, les enfants sur les

épaules des pères, les pétards dans les jambes et les fusées tirées sur le plan d’eau.

Et les moustiques. Puis nous revînmes encore, plus tard, pour nos enfants à qui nous rêvions de transmettre nos étés au bord de l’eau. Quand ils en parlent, aujourd’hui qu’ils sont adultes

à leur tour, ils ont le même sourire que nous sur le visage.

                                             Le plan d’eau vers 1970, coll. privée

 

L’ensemble aquatique se nomme, depuis 2020, « Le pré de la Fontaine ».

La raison vous en sera donnée dans un prochain article

Numérisations de diapos de la commune

 

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