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Augustin Savigny, mon ancêtre aux trois femmes
du 20/03/2021
 Histoire et Patrimoine d' Archigny - 170 articles  

Faits divers

Quand on se prend au jeu d’aller fouiller dans ses racines, on peut ressentir toute l’excitation, les interrogations, les surprises bonnes ou mauvaises,

les déceptions d’un chercheur de truffes.

Alors s’amplifie le désir de fouiller, de gratter et les heures s’envolent, parfois les pensées se mélangent telles un réseau micellaire.

Souvent, il ne ressort pas grand-chose de tout ce temps investi. Parfois de feuilletage en déchiffrage, de trouvailles en incompréhensions,

s’esquisse une promesse d’une possible trame de vie d’un ancêtre.

On y a passé des heures sans bouger de son bureau, devant son ordinateur et son imprimante, pour reconstruire un petit fil de vie qui s’était éteint cent-soixante-cinq ans plus tôt !

Simplement en feuilletant en ligne des registres de naissances, mariages, décès et autres archives.

Certains trouveront le résultat insignifiant et inutile.

D’autres apprécieront de savoir d’où ils viennent, qui pouvaient bien être leurs ancêtres et s’enrichir de ce passé si différent de notre présent.

Augustin Savigny ne savait pas qu’il serait un de mes quadrisaïeuls.

Il ne savait pas que malgré l’absence d’électricité, donc d’électronique, des données resteraient encrées sur des registres préservés puis numérisés.

Augustin est né à Archigny, le 8 thermidor de l’an III, soit le 26 juillet 1795, en pleine Révolution, dans le secteur des Bouchaux,

très probablement à La Nivoire. La Marseillaise était l’hymne national depuis deux semaines.

 

   La Nivoire  

 

Archigny était un village de 1 800 âmes et 130 hameaux répartis sur une superficie de 67 km².

Depuis une vingtaine d’années, une communauté d’Acadiens, déportés d’Acadie par les Anglais, avait pu s’installer dans la cinquantaine de fermes construites

sur la commune par le Marquis de Pérusse des Cars.

Jules Ferry ne naîtra que trente-sept ans plus tard, donc pas d’école, pas de connaissance ni en lecture, ni en écriture, mais des acquis solides sur les lois de la nature.

Dès l’enfance, Augustin a accompli les gestes séculaires pour se nourrir, se chauffer, se protéger. Il a surveillé les animaux dans les prés, aidé aux travaux des champs,

cultivé, récolté de quoi nourrir le bétail et la famille. Il a appris à tuer le cochon pour que la viande soit salée, les pâtés confectionnés, à traire les vaches pour vendre le lait et

confectionner des fromages, à nourrir les poules puis à ramasser leurs œufs…

La culture de la terre était pénible et douloureuse.

La terre argileuse et les brandes la rendaient peu fertile et elle ne donnait pas à ses habitants des bénéfices suffisants pour vivre dans l’opulence.

Souvent, entre huit et douze ans, les enfants partaient travailler dans d’autres fermes simplement pour n’être plus des bouches à nourrir pour les parents.

Est-ce que ce fut le cas pour Augustin ? Les recensements n’existaient pas encore. Dommage, car ils nous permettent de savoir où se sont déplacés les uns et les autres

depuis 1836 pour le département de la Vienne.

Augustin avait vu mourir son père alors qu’il avait 7 ans. Il est plus vraisemblable qu’il soit resté avec ses frères et sœurs qui aidaient sa mère.

Il était le septième et dernier enfant de la famille.

Il devait avoir 18 ou 19 ans quand il s’est rendu à la foire de Bonneuil-Matours où se déroulait, une fois par an, une foire aux domestiques, autrement nommée gagerie.

On y venait de très loin pour repérer, parmi les étals de produits de consommation de toutes sortes, une jeune fille ou un jeune homme avec une fleur ou un mouchoir

accroché à la veste, à la chemise ou au corsage, signe distinctif pour indiquer qu’on recherchait un emploi.

Le Pôle Emploi de l’époque, en plein air, sans dossier à remplir ou curriculum vitae à fournir !

Il a été repéré, embauché et il est parti travailler comme domestique dans une ferme située à quarante kilomètres d’Archigny.

Le contrat était d’un an renouvelable mais je ne sais pas combien de temps il est resté loin de sa famille. Un document indique qu’il était à Thurageau à La Grossoire

mais il y a certainement une erreur. Il n’y a pas de hameau portant ce nom dans ce village.

Par contre, il existe une ferme de La Grissière actuellement située sur la commune de Vendeuvre-du-Poitou, mais, d’après la carte de Cassini, sur celle de Thurageau autrefois.

Ces erreurs étaient fréquentes car le secrétaire de mairie écrivait ce qu’il entendait et qui n’était pas forcément prononcé correctement.

 

La Grissière

 

Si loin de chez lui, il a peut-être appris le métier de tisserand car, sur la plupart des actes depuis 1818, c’est la profession qu’il déclare en plus d’être cultivateur.

Le 15 février 1816, à cinq mois de son 21ème anniversaire, Augustin s’est marié avec Marie-Magdeleine Degennes, née en la commune d’Asnières en Monthoiron.

Il n’était pas encore majeur. Ils se sont installés au lieu-dit La Nivoire et Marie Tartarin, la maman d’Augustin vivait avec eux.

Jeanne y est née le 16 mars 1818. L’été avait été caniculaire, les récoltes mauvaises.

Le 26 octobre de la même année, à 26 ans, Marie-Magdeleine meurt. Maladie ? Fausse couche ? Accident ?

La cause, on ne la connaît pas. Jeanne a un peu plus de sept mois. Elle ne se souviendra pas de sa maman et ne pourra jamais imaginer son visage.

Nicéphore Niépce a inventé l’appareil photo deux ans auparavant. Les Archignois devront attendre encore de nombreuses années avant d’en apercevoir un.

Comment vivre seul avec un bébé ? Il faut travailler sans relâche toute la journée ! La grand-mère Marie a certainement pris Jeanne en charge et l’a élevée.

Mais il faut à tout prix trouver une autre épouse car un homme seul ne peut pas assurer les travaux de la ferme, et rémunérer des domestiques ou des journaliers est très coûteux.

La morale oblige à respecter un an de deuil.

Augustin y ajoute deux semaines et, le 9 novembre 1819, épouse en secondes noces Marie-Anne Mirebeau originaire de Sainte-Radégonde, village tout proche.

Elle a 33 ans. C’est une « vieille-fille ». Il est plus que probable que ce mariage ait été arrangé.

Le mauvais sort va s’acharner sur Augustin.

Le 15 février 1821, Marie-Anne décède en couches et le bébé, de sexe masculin, ne survit pas.

L’enfant est mort à 2 heures du matin, une heure après sa naissance et Marie-Anne à 3 heures.

Louis et Joseph Mirebeau, ses deux beaux-frères de 30 et 25 ans, ont accompagné Augustin à la mairie pour acter ces décès.

Les trois hommes ont déclaré ne pas savoir signer. Donc, seule la signature du maire, monsieur Collet, apparaît au bas de l’acte.

Triste histoire, vécue par de nombreuses familles, que celle de ces femmes qui meurent en accouchant dans leur maison.

Pas de clinique, pas d’hôpital, pas toujours de sage-femme ou de médecin qui puissent être prévenus et arriver à temps !

Les hémorragies étaient fréquentes. Il fallait faire face seules, avec le soutien de la mère, de la belle-mère, d’une voisine…

On ne peut qu’imaginer la douleur de la perte de la seconde épouse. Mais toujours la même question, qui va s’occuper de Jeanne ?

Alors, Augustin va se marier une troisième fois, seize mois plus tard. Le 25 juin 1822, il épouse Marie Piau.

Ils donneront naissance à deux frères pour Jeanne, François en 1825, puis Henri en 1830.

François et Marie-Jeanne Dubois, qu’il épousera le 27 janvier 1852, encore à Archigny, sont mes trisaïeux. Ils auront trois enfants, Henri, Jean et Louis François.

Le dernier est un de mes deux arrières-grands-pères maternels. Il se mariera avec Marie-Estelle Prévault (Prévost) le 23 août 1886, toujours à Archigny.

Leur famille comptera quatorze enfants et Gustave, mon grand-père maternel, sera le cinquième.

Les deux fils d’Augustin se formeront à leur tour au métier de tisserand, puis, au moins deux de ses petits-fils continueront à utiliser les métiers à tisser jusqu’en 1880.

L’industrialisation faisant son œuvre, ce métier artisanal s’éteindra très rapidement.

Augustin s’est marié trois fois, avec trois Marie. Mais à cette époque beaucoup ne portaient pas leur premier prénom, surtout les femmes.

Marie était un prénom jugé protecteur dans la famille mais on ne l’utilisait pas toujours. Le prénom d’usage était assez souvent le second, voire le suivant.

Sa troisième femme, Marie Piau, a définitivement fermé les yeux le 17 août 1853. Si elle a bien assisté au mariage de son fils François,

elle n’a pas vu celui d’Henri avec Jeanne Tranchant, le 19 juin 1854.

Le 22 janvier 1856, la famille se réunira pour le mariage de Jeanne avec Louis Bunelle.

Ce fût certainement le dernier grand moment de joie d’Augustin qui a cessé de vivre le 1er mars 1856.

Il venait de déménager du lieu-dit Les Huit-Maisons (où se trouve actuellement la ferme musée acadienne que je vous conseille de visiter) pour s’installer au Châtelet.

 

Les Huit-Maisons

 

La ferme musée

 

Le Châtelet

 

Excepté une ou deux années à quarante kilomètres de son lieu de naissance, les soixante et une années de vie d’Augustin se sont tenues sur un territoire de quelques kilomètres carrés,

comme ses ancêtres avant lui depuis au mois deux siècles. Et quand je dis quelques kilomètres carrés, cela ne doit pas en faire beaucoup plus que trois ou quatre !

Toute une vie sur un confetti !

 

Le triangle de toute une vie, environ 10 km2

 

À sa mort, il n’avait que trois petits-enfants dont le plus vieux était âgé de 4 ans. Mais en 2021, le nombre de ses descendants est impressionnant.

Anne Métais

 

     Sources 

Photos 1, 3 et 4 : cadastre napoléonien de 1810 – AD86 en ligne

Photo 2 : carte de Cassini 1737 en ligne

Photo 5 : plan guide officiel 2018 Archigny

Photo ferme musée : Michel Marasse

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