L’Hypogée des Dunes de Poitiers
Bref voyage dans le temps - Journées du Patrimoine 2022 ANNE METAIS
Introduction
Êtes-vous prêts à faire un bond de deux à six millénaires pour vous projeter dans la période du néolithique en France ? Oui ! Alors allons-y ! Direction les hauteurs de Poitiers,
du côté de la rive droite du Clain, dans le quartier des Dunes!
Néolithique ou « âge de la pierre nouvelle » pendant laquelle les humains, qui ont déjà trouvé des moyens pour façonner les pierres, vont désormais apprendre à les polir.
Si l’alimentation demande toujours des déplacements pour la chasse et la cueillette, la fabrication d’outils, qui nécessite du temps, entraîne un début de sédentarisation qui ne
fera que croître avec le développement de l’élevage et des cultures.
C’est également à cette période que les humains vont mettre en place des sépultures construites en pierres érigées.
J’ai longtemps cru, à cause de souvenirs scolaires faussés, que ces pierres exhumées de terre, ces siècles derniers, au fil des activités humaines (défrichages de terrains, constructions
de routes…), étaient des tables liées à des sacrifices ou à des cultes. J’ai honte d’admettre cette ignorance ! Mais suis-je la seule à avoir pensé ainsi ?
Les dolmens étaient tous organisés de manière assez similaire. On y trouvait une entrée avec un couloir, délimité par des pierres sèches, qui amenait vers une salle où des orthostates
soutenaient une grande pierre plate. Le tout était entouré de murets extérieurs, de niveaux décroissants, et recouverts de cailloux et/ou terre pour former le tumulus qui dissimulait
totalement la sépulture. Peu d’entre eux tiennent toujours debout dans leur formation initiale, souvent éboulés par le temps ou la main de l’homme.
À Poitiers, dans le quartier des Dunes, se trouve un dolmen dit de la Pierre Levée, attestant d’une zone de sépultures dans ce secteur depuis plusieurs millénaires.
dolmen de la Pierre Levée à Poitiers
À quelques encablures de ce dolmen quelque peu écroulé, se trouve un lieu surprenant, insolite et assez rare, qui a été découvert fortuitement.
Imaginons-nous en 1878 ! Les casernes d’artillerie installées dans ce quartier de Poitiers ont besoin de construire de nouveaux bâtiments. Des terrains sont disponibles tout autour,
les travaux peuvent commencer ! Le défrichage progresse et les ouvriers ne cessent de s’étonner de sortir du sol des pierres sculptées.
Les travaux sont immédiatement stoppés !
Des archéologues arrivent de toutes parts.
Il faut noter que, depuis la Révolution Française, l’archéologie qui n’était, jusqu’à peu, que mercantile, avait évolué en un nouveau domaine scientifique.
Des Sociétés Savantes s’étaient créées, et elles proposaient des cours d’archéologie depuis 1820.
À Poitiers, devant ces vestiges de nécropole romaine, le long de la voie menant à Bourges, le risque de pillage est grand car chaque archéologue présent voudrait faire sienne cette
découverte.
Camille de la Croix est prêtre à Poitiers. Né en Belgique en 1831, il a été ordonné en 1864 après un noviciat chez les Jésuites en Alsace. Passionné d’archéologie,
il n’en a reçu aucune formation et ne respecte donc pas, stricto sensu, les démarches scientifiques des archéologues de métier. Néanmoins, son instinct le pousse à dessiner des plans
et croquis précis des endroits qu’il fouille.
Il se précipite donc pour demander aux militaires, la permission de fouiller la nécropole. Sa requête est repoussée !
Il se retranche alors sur une parcelle voisine, désignée sous le nom de « Chiron des martyrs », qu’il achète.
Dans le Poitou, un chiron désigne un lieu où se trouve des tas de pierres, vestiges de tumuli.
Il embauche des ouvriers de terrassement pour fouiller le site. Ces terrassiers n’ont aucune expérience des fouilles archéologiques, mais ils mettent à jour, malgré tout
plusieurs centaines de sépultures.
En 1877, il devient membre de la Société des Antiquaires de l’Ouest (SAO).
Le 24 décembre 1878, Camille de la Croix annonce qu’il a découvert sous ce chiron une salle datant des premiers temps chrétiens dans la région.
Il est convaincu que c’est le lieu de sépulture de 72 martyrs chrétiens. Elle est désignée comme l’Hypogée des Dunes. Par souci de conservation, il remblaiera la zone de fouilles en 1886,
puis il lèguera le terrain à la SAO.
Après son décès en 1911, d’autres hypothèses seront émises.
Il a mené d’autres campagnes de fouilles dans notre région, mais ce n’est pas le propos de cet article.
L’Hypogée des Dunes, c’est quoi ?
Lorsqu’on arrive au 101 rue du Père Camille de la Croix, on voit ceci :
L’hypogée est enfermé sous ce « chapeau » de protection construit en 1905-1906.
Nous n’en voyons rien de l’extérieur! Sauf quatre jours par an, et uniquement sur réservation, pour six groupes d’une vingtaine de personnes! Les quatre dates se partagent
sur deux week-end, en juin pour les Journées Européennes de l’Archéologie et en septembre pour les Journées Européennes du Patrimoine.
J’ai eu la chance d’obtenir mon sésame pour le 10 septembre 2022 afin de suivre une visite commentée d’une heure.
Avant d’entrer dans ce bâtiment, il ne faut pas montrer patte blanche, mais pieds aseptisés, en enfilant des sur-chaussures stériles.
Il nous a été proposé de regarder le dessin ci-dessous, nous laissant imaginer à quoi avait pu ressembler cet endroit, de l’extérieur, il y a une quinzaine de siècles environ.
Je ne vais pas vous écrire, ici, tout ce que nous a raconté notre guide sur ce lieu et son histoire. Que ce soit certitudes, interrogations, suppositions… ce lieu continue d’être étudié et
renferme de nombreux mystères. Il faut être à l’intérieur pour vivre ce moment singulier de la découverte, et laisser le guide et son point lumineux, projeté par sa petite lampe,
nous emmener vers un détail que nous n’aurions pas vu seuls…
Afin de vous donner l’envie de tout faire, pour être, en 2023, l’un ou l’une des heureux bénéficiaires d’une de ces visites, j’ai le plaisir de partager avec vous quelques photos.
Cette pierre était certainement un bas-relief de socle d’une croix ou d’une crucifixion monumentale estimée à 2 mètres.
Ensuite, il est possible de poursuivre la découverte d’autres trésors, retrouvés dans l’hypogée ou sur les terrains alentour, exposées dans un espace dédié, au musée Sainte-Croix,
qui se trouve idéalement placé près du baptistère Saint-Jean. Le baptistère d’origine a été construit deux à trois siècles avant l’hypogée.
Cette petite promenade de quelques centaines d’années en arrière vous a-t-elle plu ?
Oui ! Alors n’hésitez-pas et prenez vos agendas pour y inscrire les prochaines dates où il sera possible d’admirer ces trésors de vos propres yeux !
Journées Européennes de l’Archéologie : 18 juin 2023
Journées Européennes du Patrimoine : 17 septembre 2023
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