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Un train à Archigny ?
du 02/02/2025
 Histoire et Patrimoine d' Archigny - 176 articles  

Les Archignois voyageurs et le train Scotte

Quel est donc ce train qui vient prendre des voyageurs ou des marchandises pour les emmener vers une autre destination.

Pourtant, de mémoire d’Archignois, il n’y eut nulle part dans la commune une gare, des rails.

Alors ? Quelle est donc cette machine infernale fumante, bruyante qui ferait bien peur aux hommes et aux bêtes ? On n’arrête pas le progrès mais quand même,

on voudrait bien savoir, nous, les Archignois.

 

Le train Scotte ou l’omnibus à vapeur

 

Jusqu’aux dernières années du XIXe siècle, seuls les transports sur rails avaient pu bénéficier des avantages de la traction mécanique.

À partir de 1890, la machine motrice va connaître un nouvel essor qui lui permettra de s’adapter aux véhicules routiers.

L’idée de substituer le moteur au cheval, dans le début de l’aire des voitures à pétrole de toutes sortes qui sillonnent nos villes et nos campagnes (elles sont toutefois encore rares),

laisse entrevoir un marché commercial d’une ampleur suffisante pour stimuler l’ingéniosité des inventeurs.

 

Peu à peu, le perfectionnement des moteurs à pétrole et des machines à vapeur permit d’envisager la construction des omnibus automobiles et des camions pour divers transports.

Vers 1896, un certain Joanny Scott (1) mit au point un train routier à vapeur destiné au transport des voyageurs et des marchandises. Il se composait d’une locomotive routière pour 12

voyageurs et d’une remorque de 24 places comprenant en outre un compartiment réservé aux bagages, paniers pour volatiles, cages à lapins…

 

Le tracteur était muni d’une chaudière verticale du système Field dont les 600 litres d’eau étaient sous les banquettes des voyageurs et d’une machine de 14 chevaux à 2 cylindres.

Le coke ou bien le charbon était son combustible (200 kg pour 4 heures de fonctionnement). Le mouvement était transmis à l’essieu arrière par une chaîne. La remorque s’attelait au

tracteur par un avant-train pivotant. Pour s’arrêter, l’omnibus à vapeur disposait d’un frein rapide mû par une pédale, d’un frein à vis mû par un volant et, en cas d’urgence, pouvait agir

sur le changement de marche. La direction était assurée par un volant.

 

(1) Contrairement à ce que l’on peut penser, le nom de Scotte n’est pas d’origine anglaise, mais tout à fait française. M. Scotte s’appelait auparavant M. Crotte.

Lassé des plaisanteries douteuses, il fit ajouter un S devant le C, puis retirer le R de l’orthographe patronymique de son nom.

 

Le train Scotte roulait avec des roues en bois à rayons munies d’un bandage en fer. Les banquettes étaient, elles aussi, en bois (prévoir un coussin pour mettre sous son postérieur).

De ce fait, l’engin était assez bruyant… combien de troupeaux ont-ils fui à l’approche de cette machine fumante qui broyait les silex recouvrant les routes ?

On l’entendait venir de loin et certaines maisons tremblaient sur son passage. Sa vitesse n’était pas très élevée 12 à 15 km/h, on avait le temps d’admirer le paysage.

Lorsqu’il ne transportait que des marchandises, environ 5 à 6 tonnes, sa vitesse était réduite à 6 à 7 km/h.

 

Le 8 avril 1897, le train Scotte effectua ses premiers essais dans la région parisienne. Il était évidemment appelé à rendre les plus grands services en facilitant les rapports entre les

communes (marchés, foires, comices agricoles, rencontres familiales…).

 

Lors de la séance du conseil municipal d’Archigny, en date du 13 novembre 1898, « Monsieur le maire rappelle au conseil le désir exprimé par la Conseil Général dans sa séance d’août

1898 de voir s’établir le plus tôt possible la création d’un train Scotte allant de Lésigny à Poitiers passant par Coussay-les-Bois, Leigné-les-Bois, Pleumartin, Archigny, Bonneuil-Matours,

Montamisé et Poitiers et le prie de bien vouloir lui émettre un avis sur ce projet. »

Après débat, le conseil archignois « considère que la commune d’Archigny est une des plus importantes du département, non seulement sous le rapport de la population qui est de 1759

habitants, mais encore relativement à son commerce d’engrais, de céréales et autres produits agricoles.

 

De par sa situation géographique, la commune était éloignée de toute communication ferroviaire. Il est vrai que c’était le temps où de très nombreuses petites communes voulaient leur

gare quand elles étaient sur des lignes relativement importantes, et surtout être reliées à la modernité.

 

Poursuivons la délibération du conseil du 13 novembre…« l’établissement des trains Scotte de Lésigny à Poitiers, relierait directement la commune à Poitiers et à Châtellerault et autres

par la ligne de Tournon-Saint-Martin à Châtellerault. »

 

Il s’ensuit une demande favorable du conseil municipal pour ce projet. Elle est adressée à M. le préfet afin qu’il intercède avec promptitude auprès du conseil général dont l’intérêt du

passage de ce train routier serait de la plus grande utilité pour tous les habitants de ces contrées.

Ledit projet est renvoyé de commission (2) en commission, ce qui n’est pas de bon augure.

 

Début 1900, le préfet avait lancé un appel, pour des essais de transport, à 4 entreprises sur un canton de la Vienne de leur choix, dont les trains Scotte.

Elles ont toutes répondu par la négative. Il s’agissait de sociétés de construction et non d’exploitation de ligne.

 

(2)  Commission des automobiles, commission des voies de communication (crainte que les routes empierrées soient mises à mal par cette machine).

 

L’expérience de Scotte n’eut pas le succès escompté (3) la vapeur étant de moins en moins prisée pour les véhicules routiers. Le moteur à explosion était en pleine expansion.

L’abandon de la vapeur s’amorcera au début du XXe siècle, le train routier sera remplacé par le chemin de fer ou les lignes à autobus.

 

Aucun document officiel ne peut justifier la concrétisation de ce projet. Il est plus que probable qu’il ne vit pas le jour à Archigny ni dans le département de la Vienne.

 

                                        Train SCOTTE de 1898

(3) Gallica : rapport du Conseil Général de la Vienne du 2 septembre 1898 qui dit : « un service automobile installé dans le département de la Côte d’Or n’avait pas réussi et qu’au bout de 5 mois de marche il avait été suspendu. »

BNF Gallica : Le Troyen hebdomadaire ; Train Scotte du 19 juin 1898.

Bernard POIGNAND

 

 

 

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