Accueil

Journal
Archigny et Sainte Radegonde deux frères évadés en 1941
du 22/02/2025
 Histoire et Patrimoine d' Archigny - 176 articles  

Histoire

1939-1940

1er septembre 1939, l’Allemagne envahit la Pologne. Le gouvernement français appelle à la mobilisation générale et l’entérine par voie d’affichage.

3 septembre 1939, la France et l’Angleterre déclarent la guerre à l’Allemagne. Les communes frontalières sont évacuées en deux temps (septembre 1939 et mai 1940).

Le maire d’Archigny a affiché l’ordre de mobilisation, daté du 2 septembre 1939, sur la porte de la mairie ; celui de Sainte-Radegonde et tous les autres ont fait de même.

La période du 3 septembre 1939, déclaration de guerre de la Grande-Bretagne et de la France à l'Allemagne, au 10 mai 1940, invasion de la Belgique et des Pays-Bas par les troupes

allemandes, est nommée la  « drôle de guerre ». Pourquoi « drôle » ? Car les armées alliées sont inactives face à la défaite de la Pologne.

Suite à la défaite militaire des armées françaises dans les combats de mai-juin 1940, lors de la « bataille de France », et à la démission du chef du gouvernement Paul Reynaud, le 16 juin,

le Président de la République le remplaça par le maréchal Pétain qui, aussitôt, prit contact avec l'ennemi dans le but de parvenir à un armistice.

Un armistice est donc signé le 22 juin 1940 entre les représentants français et allemands.

Cet armistice déclenche l’installation de la ligne de démarcation, séparant la France en deux zones : occupée et non occupée.

Durant la « bataille de France », 1 845 000 soldats français sont fait prisonniers de guerre par les armées d’Hitler. Ils sont d'abord hébergés dans des Frontstalags, camps installés en

France dans la zone occupée. Puis ils sont envoyés à pied ou en train dans des camps en Allemagne, où les Oflags accueillent les officiers et les Stalags accueillent les soldats et sous-

officiers. Ensuite ils sont transférés dans des Kommandos de travail.

 

Archigny et Sainte-Radegonde, les frères Maubert

Les parents Maubert sont Adrien, né le 5 octobre 1884 au lieu-dit Traînebot à Archigny (86) et Andrée « Léonie » Célestine Robert, née le 14 janvier 1891 à La Bussière, près d’Archigny. 

Leur union est célébrée le 28 novembre 1915 à La Puye (86).

Adrien Maubert est décédé le 30 avril 1950 à La Puye et Léonie le 12 mars 1980 à Poitiers.

Ils ont cinq enfants : Marie, Henri, Étienne, Paulette et Jeannine.

 

Henri, d’Archigny et Étienne Maubert, de Sainte-Radegonde, sont mobilisés comme tous les jeunes Français valides.

Avant de commencer leur périple durant la guerre, prenons le temps de les connaître.

 

Henri Évarist Maubert est né le 26 octobre 1913 au lieu-dit l’Allée-Verte sur la commune de La Puye (86).

Il épouse Jeannine Gisèle Henriette Fouché à Archigny le 4 septembre 1937. Jeannine est née le 12 janvier 1921 au lieu-dit Monteil à Sainte-Radegonde (86).

Ils habitent au lieu-dit Chaumont à Archigny.

Un fils, Guy Jean, naît le 2 août 1938 à Archigny.

Henri mesure 1,69, a les cheveux noirs et les yeux gris.

 

Étienne Maubert est né le 28 juillet 1917 au lieu-dit Piogeard sur la commune de La Puye.

Il épouse Jacqueline Madeleine Louisette Parias à Sainte-Radegonde (86) le 16 novembre 1936. Jacqueline est née le 7 mars 1921 à Sainte-Radegonde.

Ils habitent le lieu-dit la Boutallerie à Sainte-Radegonde.

Deux enfants naissent de cette union :

Ginette Monique, née le 16 juillet 1936 à Sainte-Radegonde

Jean-Pierre Jacques, né le 30 septembre 1937 à Sainte-Radegonde.

Étienne mesure 1,74 m, a les cheveux noirs et les yeux gris.

 

Les frères militaires

Ils ne sont pas des militaires mais des agriculteurs.

Toutefois, ils effectuent leur service militaire et reçoivent leur affectation en 1939 pour aller au combat.

 

Henri Évarist Maubert est recruté sous le matricule 1761.

Affecté le 20 octobre 1934, services comptant du 15 octobre 1934, rayé des contrôle le même jour. Certificat de bonne conduite accordé.

Affecté au centre mobilisateur du 41e de cavalerie le 24 mai 1936.

Au 27e Dragons du 24 octobre au 7 novembre 1937.

Affecté au centre de mobilisation de cavalerie n° 9 le 15 janvier 1938.

Rappelé à l’activité le 27 septembre 1939, affecté à l’état-major de la 1ère brigade de cavalerie le 27 août 1939. Parti aux armées le 17 septembre 1939.

 

Étienne Maubert est recruté sous le matricule 625.

Affecté le 3 novembre 1938, services comptant du 15 octobre 1938.

Classé soutien de famille le 13 septembre 1938 comme père de 2 enfants vivants.

Affecté au 20e régiment d’artillerie (20e RA).

Nommé brigadier le 14 février 1941.

 

Les frères inséparables

Comme nous venons de le voir, ils ne sont pas versés dans les mêmes unités : l’un est dans la cavalerie, l’autre dans l’artillerie.

Et pourtant…

Le même jour, le 23 juin 1940, ils sont faits prisonniers de guerre et se retrouvent tous les deux au Frontstalag 194 de Châlons-sur-Marne (51).

Quelques jours plus tard, ils sont envoyés en Allemagne au Stalag XII A, puis transférés au Stalag XII B de Frankenthal dans le Land Rhénanie-Palatinat.

Ce Stalag est un camp disciplinaire objet de nombreuses évasions. De là on les place dans un Kommando du XII B.

 

On dénombre 58 Stalags et plus de 80 000 Kommandos. Ces Kommandos sont des unités de travail, gérées par le Stalag. Les prisonniers de guerre,

ou PG, vivent et travaillent à l’extérieur du camp. Ils effectuent des travaux dans des fermes ou des chantiers divers à l’extérieur du camp.

Ils sont accompagnés par des gardes qui habitent souvent avec eux, les accompagnent dans leurs déplacements, les surveillent et les enferment le soir.

Henri et Étienne sont placés chacun dans une petite ferme et le moins que l’on puisse dire est que leur situation s’avère très différente.

Henri doit subir les perversités de la fille des fermiers. En effet, le mari de celle-ci ayant été tué pendant la bataille de France, un Français est forcément un ennemi.

Étienne, lui, est placé chez un couple de personnes âgées et est bien considéré. Il est admis à leur table, ce qui est interdit par le règlement. Aussi, la porte de la maison est-elle barrée 

pendant le repas et à la moindre alerte, le couvert est retiré.

Puis, le soir, tous les deux et les autres PG rentrent au même Kommando où ils sont enfermés et surveillés par des gardes durant la nuit.

 

Envie de liberté

Nous l’avons vu précédemment, ce Stalag XII B est sujet aux évasions.

Une envie de quitter les lieux titille sept prisonniers : les frères Maubert, un gars de la Mayenne et quatre Lorrains.

Et la soif de liberté prend forme.

Une nuit, Henri se faufile et coupe les barbelés qui clôturent le Kommando, permettant ainsi aux sept PG de sortir.

Dès lors, ils vont marcher pendant plusieurs nuits, se cacher le jour, jusqu’à être proches de Ludwigshafen. Une carte de la poste en main, ils peuvent se diriger, contourner les agglomérations. Pour se désaltérer ils boivent l’eau des ornières et se nourrissent de qu’ils avaient emporté (les colis familiaux étaient délivrés par la Croix-Rouge).

En 10 jours ils atteignent Nancy.

L’histoire ne le dit pas, mais on peut penser qu’ils avaient changé de vêtements car ceux d’origine étaient marqués des 2 lettres KG (Kriegsgefangener = prisonnier de guerre)

et donc reconnaissables.

Ils se restaurent à Nancy et bénéficient de la compréhension d’un contrôleur patriote qui leur permet de prendre le train pour Paris.

Après une toilette et une nuit de repos, ils repartent pour Châtellerault où ils arrivent le 23 juin 1941, jour anniversaire de leur capture.

Devant la gare de Châtellerault, une personne de connaissance refuse de les prendre dans son camion ! C’est donc à pieds qu’ils atteignent Archigny où ils entrent au restaurant Vachon

situé à l’angle de la rue de la Fosse-Copain, face à la boucherie Ribreau.

Il y a beaucoup d’Allemands au restaurant, le bourg est occupé, la ligne de démarcation coupe la commune en deux !

Mme Vachon les cache au 1er étage, leur fait servir un copieux repas, puis elle les fait sortir par le jardin et leur dit de gagner la ferme de Boussonne par les champs

qui longent la route du Moulin-de-Vaux. Cette ferme est située en zone occupée, mais juste à la limite de la zone libre.

La ferme de Boussonne est cultivée par la famille Barrat.

Auguste Barrat, dont les terres sont à cheval sur la ligne de démarcation et possède donc un Ausweis pour cultiver ses champs, emploie les deux frères à engranger deux charrettes de 

foins, puis, dans les charrettes vides, les conduit dans la prairie en zone libre, tandis que les deux ouvriers de M. Barrat ont pris un autre itinéraire pour se rendre au travail.

Au moment où Auguste Barrat et les évadés franchissent la ligne, ils se trouvent face à deux soldats allemands, couchés dans le fossé, en pleine surveillance ! 

M. Barrat leur adresse la parole au passage et les trois hommes continuent leur chemin… C’est la liberté.

Les frères Maubert n’ont plus que deux ou trois kilomètres à parcourir pour atteindre leur domicile respectif. Pour Henri, Chaumont à Archigny,

pour Étienne, la Boutallerie à Sainte-Radegonde.

Pour ceux qui ne connaissent pas ces deux communes, sachez que seul un petit pont les sépare !

 

Sur la fiche militaire d’Henri, il est porté : Fait prisonnier le 23.06.1940. Interné au Stalag XII B sous le matricule 46324. Cesse la captivité et est démobilisé le 08.07.1941. 

Il n’est pas fait mention d’évasion.

Sur la fiche militaire d’Étienne est seulement indiqué : fiche PG classée 11/5/1962.

Henri Maubert est décédé le 29 juillet 2006 à Poitiers.

Étienne Maubert est décédé le 9 avril 1987 à Poitiers.

 

La famille Barrat

D’après le recensement de 1936, Auguste Barrat, né en 1887, et son épouse Jeanne, née en 1895, exploitent la ferme de Boussonne à Archigny.

Ils ont un fils, Camille, né en 1923, deux filles, Josiane et Huguette, nées respectivement en 1925 et 1928, et deux domestiques, Fernand Ravaud né en 1902 et Jeanne Avril née en 1914.

La ferme est en zone occupée, mais, située très près de la ligne de démarcation dont la barrière allemande est au lieu-dit la Philbartière, à quelques centaines de mètres. 

La zone libre toute proche est donc propice aux passages clandestins, avec un peu d’aide toutefois.

Le père, Auguste, a fait franchir la ligne à plusieurs autres prisonniers de guerre évadés.

Le fils, Camille, 17 ans, a conduit, en 1940, deux soldats polonais vêtus d’uniformes allemands. Un très gros risque pour le trio.

D’après le récit d’Auguste Barrat et des deux frères Maubert, transmis par Camille Berlaud.

Nous avons respecté l’histoire de ces deux frères et y avons ajouté des informations historiques et d’identité.

 poteau de la ligne de démarcation à la Philbartière

 Notre association, HPA, a, en 2024, identifié le tracé de la ligne de démarcation par des signalétiques.

Françoise Glain

 

 

 

Retour au journal - Retour à la page d'accueil